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ne s’en feroit qu’à minuit, et lui offrit la collation dans la chambre du maître-d’hôtel, qui étoit son ami : il pesta ensuite contre son malheur, de ce qu’il étoit obligé de quitter la plus agréable compagnie du monde, pour s’aller ennuyer avec son vieux maître, que ses incommodités de vieillard retenoient au lit ; il ajouta qu’à cause de ses goutes il ne seroit point aux noces qui se faisoient dans une maison de la ville, fort éloignée de la sienne, qui étoit l’hôtel du comte Fuensalide. Il étudioit ensuite quelque joli compliment de sortie, quand on frappa rudement à la porte. Héléne en parut troublée, et pria le page d’entrer dans un petit cabinet, où elle l’enferma pour plus long-tems qu’il ne pensoit : celui qui frappoit si rudement à la porte, étoit un brave à fausses enseignes, galant d’Héléne, et que par bienséance elle faisoit passer pour son frère. Il étoit complice de ses méchantes actions, et l’ordinaire instrument de ses menus plaisirs. D’abord elle lui fit part du page enfermé, et du dessein qu’elle venoit de former sur les pistoles de son vieux maître, dont l’exécution demandoit autant de diligence que d’adresse. En un moment les mules, quoique déjà bien fatiguées, furent remises au carosse qui les avoit amenés de Madrid, et Héléne et sa compagnie, qui étoit composée du redouté Montufar, d’une vieille nommée Mendez, vénérable pour son chapelet et son harnois de prude, et d’un petit laquais, s’embarqua dans ce vaisseau délabré, qui les porta dans la rue des chrétiens modernes, dont la foi est encore plus récente que les habits qu’ils vendent. Les masques couroient encore les rues, et il arriva que le marié masqué comme les autres, rencontra le carosse d’Héléne, et vit cette dangereuse étrangére, qui lui sembla Vénus en portière,