la femme du monde qui engageoit avec plus d’adresse et de malice un jeune sot à hasarder beaucoup d’impertinences. Jugez donc, si trouvant en ce page un téméraire parleur, elle ne lui fit pas dire au-delà de ce qu’il savoit. Elle l’enivra de louanges, et en fit après tout ce qu’elle voulut. Elle sut de lui qu’il servoit un vieux cavalier d’Andalousie, oncle de celui qui se marioit, et pour qui toute la ville étoit en réjouissance; qu’il étoit un des plus riches hommes de sa condition, et qu’il n’avoit point d’autre héritier que ce neveu, qu’il aimoit beaucoup, quoiqu’il fût un des plus perdus jeunes hommes d’Espagne, amoureux de toutes les femmes qu’il voyoit, et qui outre les courtisanes et les femmes dont il avoit gagné les bonnes grâces par sa galanterie ou par ses présens, s’étoit souvent porté à des violences de satyre avec des filles de toutes sortes de conditions. Il ajoûta que ses folies avoient beaucoup coûté à son vieil oncle, et que c’étoit ce qui l’avoit le plus porté à marier son neveu, pour voir si changeant de condition il ne changerait point de mœurs. Tandis que le page lui révéloit tous les secrets et toutes les affaires de son maître, elle lui pervertissoit l’esprit, se récriant sur les moindres choses qu’il disoit, faisant remarquer à ceux de sa compagnie combien et avec quelle grâce il disoit d’agréables choses ; et enfin, n’oubliant rien de ce qu’il falloit pour achever de gâter un jeune homme, qui n’avoit déjà que trop bonne opinion de soi-même. Les louanges et les applaudissemens que donne une belle bouche sont bien à craindre. Le pauvre page n’eut pas plutôt appris à Hélène qu’il étoit de Valladolid , qu’elle se mit à parler avantageusement de cette ville et de ses habitans, et après s’être emportée en les louant jusqu’à l’hyperbole, elle dit au pauvre page, que de tous ceux
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