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et dans le tems que tous les cavaliers de la ville faisoient une mascarade aux noces d’un seigneur étranger qui se marioit avec une demoiselle de l’une des meilleures maisons du pays. Les fenêtres étoient éclairées de flambeaux, et encore plus des beaux yeux des dames, et le grand nombre de lumières avoit rendu aux rues le jour que la nuit leur avoir ôté. Les dames de moindre condition couvertes de leurs mantes, ne découvraient à ceux qui les regardoient que ce qu’elles avoient de plus digne d’être regardé. Plusieurs braves, ou plutôt batteurs de pavé étoient sur leurs voies : j’entens parler de ces faineans, dont les grandes villes sont pleines, qui ne se soucient pas que leurs bonnes fortunes soient vraies, pourvu qu’elles soient crues telles, ou du-moins mises en doute ; qui n’attaquent jamais qu’en troupe, et toujours avec insolence ; et qui en vertu de leur bonne mine, et d’une estocade qui use leurs chausses, croyent avoir jurisdiction sur les vies d’autrui, et faire mourir toutes les femmes d’amour, et les hommes de peur. O que les diseurs de douceurs eurent ce jour-là de quoi s’exercer, et que l’on y fit de basses équivoques ! Un jeune-homme entr’autres, qui d’écolier s’étoit depuis peu fait page, se surpassa soi-même à dire des sottises devant notre Héroïne, et jamais ne fut plus satisfait de sa personne. Il l’avoit vue descendre de son carosse de louage, et en avoit été ébloui ; et ne voulant pas s’en tenir-là il l’avoit suivie jusqu’à la porte du logis où elle avoit loué une chambre, et de-là par tout où l’envie de voir quelque chose la porta. Enfin l’étrangere s’étant arrêtée en un lieu qui lui parut commode pour voir les masques à son aise, le Page éloquent paré ce jour-là de linge blanc, et plus propre qu’à l’ordinaire, eut bientôt lié conversation avec elle, qui en avoit bien vu d’autres. Elle étoit