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LE ROMAN


lui servoit de couronne se frottant un peu les yeux ; comme un homme qui s’éveille, et récitant du ton de Mondori le rôle d’Hérode, qui commence par :


Fantôme injurieux qui troubles mon repos.


L’emplâtre qui lui couvroit la moitié du visage, ne l’empêcha pas de faire voir qu’il étoit excellent comédien. Mademoiselle de la Caverne fit des merveilles dans les rôles de Mariane et de Salomé ; la Rancune satisfit tout le monde dans les autres rôles de la pièce ; et elle s’en, alloit être conduite à bonne fin, quand le diable qui ne dort jamais, s’en mêla, et fit finir la tragédie y non pas par la mort de Mariane, et par les désespoirs d’Hérode, mais par mille coups de poing, autant de soufflets, un nombre effroyable de coups de pied, des juremens qui ne se peuvent compter, et ensuite une belle information que fit faire le sieur de la Rappiniere, le plus expert de tous les hommes en pareille matière.


CHAPITRE III.


Le déplorable succès qu’eut la Comédie.


Dans toutes les villes subalternes du royaume, il y a d’ordinaire un tripot ou s’assemblent tous les jours les fainéans de la ville ; les uns pour jouer, les autres pour regarder ceux qui jouent : c’est là que l’on rime richement en Dieu, que l’on épargne fort peu le prochain, et que les absens sont assassinés à coups de langue. On n’y fait quartier à personne, tout le monde y vit de Turc à Maure,