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 c’est une dévotion ;
Enfin quelle est l’intention
De nos ennemis et des vôtres,
Puisque je vous reçois des nôtres."
Sinon dit : "C’est bien la raison,
Et, sans commettre trahison,
Je puis vous découvrir l’affaire,
Quand je devrais aux Grecs déplaire :
Ce sont gens qui ne valent rien,
Et, de vrai, vous m’entendez bien.
Vous êtes un roi magnanime,
De qui chacun fait grande estime,
A qui je suis de tout mon cœur
Très obéissant serviteur.
O grand Jupiter ! grand Neptune !
Luisant Soleil ! obscure Lune !
Puissants Dieux qui m’avez sauvé
Comme on allait chanter salve !
Et vous mort qui me vouliez prendre,
Si j’eusse voulu vous attendre !
Couteau qui m’eussiez égorgé,
Si je n’eusse pas délogé,
Action qui, malgré l’envie,
Est la plus belle de ma vie !
Feu sacré pour qui j’ai tremblé !
Sacrifice par moi troublé
Très prudemment par mon absence !
(Hélas ! je tremble quand j’y pense ! )
Bandelette, saint ornement
Qui m’importunait grandement !
Fleurs dont ma tête fut ornée,
Ou, pour mieux parler, étonnée !
Enfin tout ce que le grec feint
A d’inviolable et de saint !
Vous-mêmes, Grecs, amis du crime,
Qui m’avez choisi pour victime
Comme si j’eusse été taureau !
Vous aussi, Calchas, mon bourreau !
Je vous appelle en témoignage
Qu’aujourd’hui Sinon se dégage