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L’ayant donc ainsi ramené,
Faisant bien fort du mutiné,
On lui fait la même prière ;
Il la refuse tout entière.
Ulysse l’appelle vaurien,
Astrologue, magicien,
Et prédiseur de choses fausses.
Calchas dit : "Ils sont dans vos chausses ;
Mais, pour le salut de nous tous,
Et non pas pour l’amour de vous,
Celui qu’il faut qu’on sacrifie,
Et que son corps on cendrifie,
S’appelle…" Hélas ! il me nomma,
Ou bien plutôt il m’assomma.
Chacun connut bien la malice
Du devin Calchas et d’Ulysse,
Et comme on jouait tout cela ;
Chacun pourtant s’en consola,
Chacun songeant qu’il pouvait être
Ainsi que moi nommé du traître,
Et que le sort sur moi jeté
Les mettait tous en sûreté.
Un sacrificateur m’empoigne
Et sur moi se met en besogne :
M’ayant bien aromatisé,
Et purgé, saigné, ventousé,
On mit plus d’une savonnette
A me rendre la peau bien nette ;
On me peigna, lava, rasa,
On m’ajusta, poudra, frisa,
Et ma tête, ainsi testonnée,
D’un chapeau de fleurs fut ornée.
On dit qu’il me faisait beau voir.
Je feignis de tout mon pouvoir
De prendre en gré le sacrifice
Et d’aller content au supplice ;
Je vous le confesse, pourtant,
Jamais il ne m’ennuya tant.
(Le ciel d’un pareil mal vous garde ! )
Or on fit si mauvaise garde