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Hector eût perdu la vie,
Les assiégés faisaient si bien
Que les Grégeois ne faisaient rien
Que se lasser et se morfondre.
Tout semblait les vouloir confondre,
C’est-à-dire rendre confus.
Les Troyens leur faisaient refus
De leur rendre madame Hélène.
De s’en retourner à Mycène,
Tous délabrés et tous pieds nus,
Plus vite qu’ils n’étaient venus,
Ils ne s’y pouvaient bien résoudre ;
Mais aussi d’en vouloir découdre,
Quoiqu’ils fussent très belliqueux,
Avec gens qui l’étaient plus qu’eux,
Etant lassés de tant d’années,
Et maltraités des destinées,
Ils y trouvaient quelque danger.
Gens qui savent leur pain manger
Savent bien aussi se défendre ;
Tellement que, bien loin de prendre
Vengeance du rapt de Pâris,
Ils couraient risque d’être pris.
Leurs soldats, dans leurs palissades,
Avaient visages de malades,
Et les nôtres, dans leurs maisons,
Etaient gras comme des oisons.
Tout leur camp était en désordre :
On n’y faisait que s’entre-mordre ;
Leurs capitaines et soldats
S’accordaient comme chiens et chats.
Qui n’eût donc parié leur perte,
Nous attaquant de force ouverte ?
Mais ils s’avisèrent enfin
De vouloir jouer au plus fin :
Ils y trouvèrent mieux leur compte,
Et par là nous eûmes la honte
De nous voir réduits aux abois
Par un simple cheval de bois.
Il plut donc à la Destinée