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Au palais elle se rendit ;
Mais en partant, Virgile dit
Qu’afin d’avoir les dieux propices,
Elle mit ordre aux sacrifices.
Enée, en peine si ses gens
Etaient bien buvants et mangeants,
Fit marcher devers ses navires
Cent pourceaux choisis, dont les pires
Avaient quatre grands doigts de lard ;
Ils n’arrivèrent que bien tard,
Encor qu’on les menât en laisse,
Parce qu’ils avaient trop de graisse.
Il fit aller aussi vingt bœufs,
Chargés chacun d’un sac plein d’œufs,
Pour faire omelettes baveuses ;
De plus, cent brebis non galeuses,
Chacune ayant son gras agneau ;
Et six pièces de vin nouveau.
Cependant la maison royale
Ses plus riches meubles étalé.
On ne voit que tables dresser,
Et que murailles tapisser ;
Les moindres meubles sont d’ivoire ;
Historié d’ébène noire ;
Les rideaux des lits, sans mentir,
Sont du plus fin pourpre de Tyr,
Et même les tapisseries ;
Dans les riches orfèvreries
Que soutiennent de grands buffets,
On voit dépeints les nobles faits,
Et toutes les rudes mêlées,
Très artistement ciselées,
Des Rois de Tyr et de Sidon,
Où fut Reine autrefois Didon.
Devant Aeneas et sa troupe
On servit quelques plats de soupe,
Attendant un meilleur repas ;
Ils ne s’en étonnèrent pas ;
En fort peu de temps chaque assiette
Comme chaque écuelle fut nette.