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Qu’il fait bon être généreux !
Et que notre siècle est heureux
Qui porte une telle personne
Plus que digne de sa couronne ;
Et que les petits et les grands
Béniront messieurs vos parents
D’avoir par un saint mariage
Mis au monde Dame si sage !
Tant que les fleuves couleront,
Qu’au ciel les astres reluiront,
Et que les monts feront ombrage
Aux terres de leur voisinage,
On ne dira de la Didon
Rien que d’honnête, bel et bon."
Sa harangue ainsi terminée,
Il prit la main d’Ilionée,
Lequel de respect s’inclina
Si très bas qu’il s’en échina.
Il traita de même Sergeste ;
Cloanthe, Gyas et le reste
De ces grands-pères des Romains
Eurent leur part des baisemains.
La Reine donc fut étonnée
De l’apparition d’Enée,
Et puis après se rassura,
Le considéra, l’admira,
Lui sourit au nez pour lui plaire,
Contrefit sa voix ordinaire,
Et lui dit, parlant un peu gras,
L’ayant pris par le bout du bras,
(C’est par la main que je veux dire) :
"Comment vous portez-vous, beau Sire ?
— Moi, lui dit-il, je n’en sais rien :
Si vous êtes bien, je suis bien,
Et j’ai pour le moins la migraine,
S’il faut que vous soyez malsaine.
Vous vous portez bien, Dieu merci,
Je me porte donc bien aussi."
A cette élégance troyenne,
Tant soit peu cicéronienne,
Didon