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La séditieuse Furie
S’en va, changeant de batterie,
Où chassent les Dardaniens,
Fascinant le nez de leurs chiens
Afin qu’ils s’efforcent de mordre
Un cerf qui fit bien du désordre.
Ce cerf, beau si jamais en fut,
Depuis que cerfs entrent en rut,
Grand de tête et grand de corsage,
Avait été, dès son bas âge,
De Thyrrus, qui l’avait trouvé,
Très soigneusement élevé.
Thyrrus était du roi le pâtre,
Sec de corps, de teint olivâtre,
Violent comme feu grégeois
Et malin comme un villageois.
Sa sœur, que l’on nommait Sylvie,
Aimait ce cerf plus que sa vie,
Et de sa main noire souvent
Le grattait derrière et devant,
Dont ce grand cerf était bien aise ;
Cette Sylvie était mauvaise,
Hommasse, fort gourmande d’aulx,
Et qui pansait bien les chevaux.
Comme elle, les fils de son frère
A ce cerf faisaient bonne chère,
Et l’aimaient autant qu’un neveu,
Ce qui n’était pas l’aimer peu.
Ce cerf courait par les montagnes,
Par les vallons, par les campagnes,
Puis, comme si de rien n’était,
Devers le soir, soûl qu’il était,
Revenait au logis de Thyrre
Pour y chercher encore à frire.
Le jeune Iülus, bien monté,
De ses Phrygiens escorté,
Allait par les champs à la quête
De quelque noire ou fauve bête,
Quand cet innocent animal,
Qui lors ne songeait à nul mal,