Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/502

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les Troyens sont dans cette terre
Pour nous venir faire la guerre :
Ils mangeront tous nos poulets
Et de nous feront des valets.
Sans nous l’Italie est perdue.
Latinus, que la peste tue,
Les a reçus dans sa maison,
Ma foi, c’est une trahison !
Si vous m’aimez un peu, beaux sires,
Excitez comme moi vos billes,
Et, ma foi, nous verrons beau jeu.
Messieurs, considérez un peu
Si ce roi, qu’on croyait si sage,
N’est pas un plaisant personnage
D’avoir entrepris de loger
Dans nos entrailles l’étranger.
Mais si nous souffrons qu’on nous tonde,
Nous donnerons à rire au monde.
Moi seul, tel que vous me voyez,
Suis suffisant, et m’en croyez,
De leur faire mordre les pouces."
Il dit quelques paroles douces
Pour assaisonner son discours,
Et puis, furieux comme un ours,
Se mit à dire : « Alarme, alarme ! »
A son cri chacun se gendarme,
Chacun cherche en son râtelier
Qui les harnais d’un cavalier,
Qui sa lance, qui sa rondelle,
Et qui sa tranchante allumelle.
On députa gens vers Latin
Pour l’appeler fils de putain.
La face aussi belle que fière
De Turnus rend sa gent guerrière,
Et donne au plus petit goujard
La hardiesse d’un soudard.
Tandis qu’ainsi l’on bat la caisse,
Et que le fanfaron se presse
De susciter des assassins
Aux volailles de ses voisins,