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Et l’effraya dans chaque membre.
Devant que sortir de sa chambre,
Alecton lui vint faire pouf :
Fermant les yeux et criant ouf,
L’adolescent se mit à braire ;
Et voilà comme alla l’affaire
Entre Turnus, le faux glouton,
Et la damoiselle Alecton.
Après la vision fâcheuse,
Il eut l’âme très querelleuse,
Et n’eut plus guère de raison ;
Ses cris troublèrent la maison,
Il criait : "Cà, ma hallebarde,
Mon branc d’acier et ma bombarde."
Son gros valet Pierre, ou Lucas,
S’en vint, épouvanté du cas,
Auprès de Turnus, sans remise,
Couvert de sa seule chemise.
Turnus, sitôt qu’il l’approcha,
Un grand coup de poing lui lâcha,
Dont ce valet Lucas, ou Pierre,
Ne branla non plus qu’une pierre.
La rage qu’il a dans le cœur
Est semblable à quelque liqueur
Dans une chaudière brûlante,
Quand, impétueuse et bouillante,
Et qui passe les bords du pot,
Elle exhale, en faisant maint flot,
Au lieu d’une épaisse fumée,
Une vapeur presque allumée.
Aussitôt qu’il fut habillé,
Malheur à qui l’aurait raillé.
Il assembla la gent rutule,
Et leur fit ce beau préambule :
"J’enrage si je ne me bats,
Et ne respire que combats ;
Je querellerais mon bon ange,
Tant je suis d’une humeur étrange,
Et, pour le moindre mot douteux,
J’étranglerais un homme ou deux.