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Ainsi dit Junon courroucée,
Et puis, ayant sa voix haussée
En fausset que l’on entendit
Jusqu’en Enfer qu’elle étourdit,
Alecton fut par elle huchée,
Qui lors, se trouvant empêchée,
Répondit en voix d’éléphant :
 « On y va, ne criez pas tant ! »
Car elle craint fort, la mâtine,
De voir dame Junon mutine,
Qui, toute déesse qu’elle est,
Est diablesse quand il lui plaît.
Cette Alecton est enragée
Autant qu’une bigote âgée ;
Ses sœurs même lui veulent mal,
Et ce dangereux animal
Déplaît si fort au tyran blême
Qu’il aurait un plaisir extrême
Si la mort d’Enfer l’enlevait,
Cela s’entend s’il se pouvait.
Elle a pour toute chevelure
De serpents une garniture,
Elle en a même dans le sein,
Exhalant tous un air malsain
Plus puant qu’une haleine forte,
Oui, ou le grand diable m’emporte !
Après avoir juré si fort,
Qui ne me croit pas a grand tort.
J’ai dû vous dire, ce me semble,
Que Junon mit ses paons à l’amble
Et descendit de ce lieu haut,
Parce que, jusqu’au manoir chaud
De cette vilaine Furie,
Où chacun hurle, où chacun crie,
Alecton difficilement
Eût oui son commandement,
Voici, parole pour parole,
Ce que dit la déesse folle,
Rouge en face et d’un aigre ton,
A la malplaisante Alecton :