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Que ce que je veux entreprendre,
Et j’aurai grand’peine à me rendre
Jusqu’où j’ai fait dessein d’aller,
Si tu ne m’aides à voler.
Ma plume est beaucoup fatiguée,
Et je n’ai plus cette âme gaie
Qui m’a fait, malgré tous mes maux,
Le moins chagrin des animaux.
Ici le sujet héroïque
Aux vers burlesques fait la nique :
Ce n’est plus ici que combats,
Que séditions, que débats,
Un roi très faible par la tête,
Une reine qui fait la bête,
De plus folle à courir les champs ;
Deux rivaux qui font les méchants,
Et qui se font tirer à quatre
Auparavant que de se battre
Pour une infante à l’oeil mourant
Que l’on donnait au plus offrant ;
Mais madame la Destinée
La gardait pour messire Enée.
Mettons fin à l’avant-propos.
Latinus régnait en repos
Sur les Latins. Sous ce bon maître,
Chacun, heureux comme un bon prêtre,
Sans craindre impôt ni maltôtier,
Vivait fort bien de son métier :
Les seigneurs vivaient de leurs rentes,
Payaient mal valets et servantes,
Et, comme l’on fait maintenant,
Battaient quelquefois le manant.
Le roi Latin, doux comme sucre,
Aimant l’honneur plus que le lucre,
Eut pour sa mère Marica :
Faunus pour elle se piqua ;
Elle fit peu de résistance,
Sitôt qu’il eut conté sa chance.
Picus engendra ce Faunus,
Et ce Picus de Saturnus