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Et s’il m’arrive pis, n’importe,
Pourvu que vous fassiez en sorte
Qu’en Enfer, ce hideux manoir,
Je puisse avoir l’honneur de voir
Encore un coup monsieur mon père.
Par votre faveur je l’espère,
Car sans vous je ne voudrais pas
M’embarquer dans ces pays bas.
Mais pour voir mon bon père Anchise,
Je passerais nu en chemise
Au travers de piques et dards,
Au travers de mille soudards,
De mille donneurs d’étrivières,
Quoique je ne les aime guères,
Et que qui me les donnerait,
Bien fort me désobligerait.
Mais je lui dois bien davantage,
Il m’a suivi, malgré son âge,
Par tous les lieux où j’ai rôdé,
Quoique bien fort incommodé
D’une hargne, et, si j’ose dire,
De quelque chose encore pire.
Il m’aima tant, ce cher papa,
Que quand le Grec nous attrapa,
Je le portai sur mon échine,
Et me sauvant à la sourdine,
Je le mis en bonne santé
Hors de la ville en sauveté.
En récompense, le bon homme
M’a suivi partout, ainsi comme
Nous voyons un fidèle chien
Suivre un maître qu’il aime bien.
Au reste, ce n’est point mensonge,
Lui-même me l’a dit en songe,
Que sans vous et votre support,
Je ne ferais qu’un vain effort,
Et qu’en la demeure enfumée
Je trouverais porte fermée.
Ayez donc, de grâce, pitié
D’une si parfaite amitié,