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Ainsi dame Pyrgo parla,
Dont, depuis, tout fort mal alla.
Cette harangue suasoire
Fut d’abord difficile à croire :
Les biens promis par le Destin
Dans le joli pays latin
Les rendaient un peu retenues,
Et les tempêtes soutenues
Ne les persuadaient pas peu
De mettre leurs vaisseaux en feu
Elles ne savaient donc que faire ;
Mais Iris, pour finir l’affaire,
Soudain se débéroïsa,
Sa forme redivinisa,
Fit voir son arc dans une nue,
Et, de ses ailes soutenue,
Fut vue assez longtemps voler,
Puis après se perdit dans l’air.
Il n’en fallut pas davantage :
Les Troyennes, pleines de rage,
Sans faire aucun raisonnement,
Hurlant diaboliquement,
Ainsi que font les possédées,
De leur seule fureur guidées,
Au grand mépris des immortels,
Saccagèrent les quatre autels
Du vénérable dieu Neptune,
Chacune endiablée, et chacune
Et du Destin et d’Aeneas
Ne faisant que fort peu de cas.
Par ces femmes de feux armées
Furent aussitôt enflammées
Les pauvres galères du port ;
Le feu, courant de bord en bord,
Des cordes humides et sèches
Fait en moins de rien mille mèches,
Dévore le haut et le bas,
Gagne les voiles et les mâts
Par mille flammes qu’il envoie,
Qui se font partout claire voie.