Un peu contre lui mutinés
D’avoir pour lui saigné du nez.
Acestes de rage en trépigne,
Et dans son courage rechigne
Du bœuf trop aisément gagné :
Il s’en alla, tout indigné,
Accoster le vieillard Entelle,
Qui, couché sur une bancelle,
Pour Darès et sa vanité,
Moins froid n’en avait pas été.
Il lui dit : "Te voilà bien sage !
Et qu’est devenu ton courage,
Toi, qui de tes deux poings fermés
As tant de rustres assommés ?
Ayant été le camarade
Du plus vaillant en la gourmade
Qu’on ait vu jamais en ce lieu,
Qui même en est le demi-dieu,
D’Eryx, au redoutable ceste,
Si peu de courage il te reste
Que ce grand vilain mal bâti
A tes yeux du prix est nanti ?
Et n’as-tu pas quelque vergogne,
D’être étendu comme un ivrogne,
Quand Darès, à toi comme à nous,
Fait redouter ses pesants coups ?
Que deviendra ta renommée
Par toute notre île semée,
Les prix à ton plancher pendus,
Pour les combats par toi rendus ? "
Entellus dit : "Ta remontrance
N’est pas certes sans apparence ;
Mais ce n’est pas faute de cœur
Que je laisse Darès vainqueur.
La vieillesse froide et pesante
M’a rendu l’âme indifférente,
Et pour le bien et pour l’honneur ;
Si j’avais ma jeune vigueur,
Ce fanfaron qui fait le rogue,
Qui jappe après nous comme un dogue,
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