Comme ils hurlent, les fous qu’ils sont !
L’épouvantable bruit qu’ils font !
Mon Dieu ! que leurs rames sont belles !
On dirait que ce sont des ailes :
Qui n’aurait point vu de vaisseaux
Dirait que ce sont des oiseaux.
Je ne sais rien qui mieux ressemble
A ces vaisseaux voguant ensemble
Que quatre chevaux accouplés,
Que des coups de fouet redoublés
Font courir de toute leur force,
Et le vert cocher qui les force
Ressemble aux chefs encourageant
Leurs rameurs d’être diligents.
Encore une fois comme ils rament !
Comme l’eau salée ils entament !
Les voilà qui voguent de front.
Voyez-en un qui l’ordre rompt,
Et qui devance tous les autres !
Celui-là dit ses patenôtres :
Rame, rame, tu feras mieux,
Rame, et tu plairas aux bons Dieux
Qui veulent que l’on s’évertue.
Je veux que la fièvre me tue
Si dans Marseille il y en a
Qui rament comme ces gens-là !
Les spectateurs d’un oeil avide
Regardent, et rament à vide,
Tant est forte l’impression
Que leur fait l’inclination.
Le bruit des regardants qui crient,
Et qui pour leur bons amis prient,
Retentit aux lieux d’alentour ;
L’écho fait du bruit à son tour,
Et répond au mot de courage,
Tantôt courage, et tantôt rage,
Selon que celui qui le dit
Chez l’écho trouve du crédit.
Gyas, songeant à son affaire,
Avec ses gens sut si bien faire
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