Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée

De voir ses gens gais et gaillards,
Leur dit quelques petits brocards
Dont aurait pu rire une souche,
Puis, pour leur faire bonne bouche,
Leur dit : "Allez, amis féaux,
Couronner vos chefs de rameaux
Pour faire honneur à feu mon père
Comme de l’arbre de ma mère,
De laurier, arbre toujours vert,
Vous m’allez voir le chef couvert."
Cela dit, sur sa chevelure
L’arbre d’immortelle verdure
Parut en chapeau façonné ;
De même en fut chaperonné
Acestes, et le vieil Hélyme,
Au corps sec, à l’esprit sublime,
Grand joueur d’échecs, et tarots,
Et qui, pour guérir les suros,
Les malandres, farcin, avives,
Et pour prendre à la glu les grives,
Enfin toutes sortes d’oiseaux,
Savait mille secrets nouveaux.
Autant en fit le jeune Ascagne,
Lors vêtu d’habits de campagne :
C’était d’un fort beau bouracan,
Que dans Carthage, en un encan,
Sa belle-mère prétendue ;
D’une vieille nippe vendue,
(C’était certain cotillon gris),
Avait acquis à fort bas prix,
Et, pour faire la bonne mère,
Donné au fils pour plaire au père.
Tous les jeunes godelureaux
Se mirent aussi des rameaux.
Chaque tête étant couronnée,
L’incomparable maître Enée
Se mit à la tête d’eux tous,
Marchant sans ployer les genoux
Avec une majesté telle
Qu’onc ne fut démarche plus belle,