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Son esprit en a cent remords
Et souvent reproche à son corps
Qu’il s’est montré beaucoup fragile
Avec dame un peu trop facile.
Sitôt qu’il fut en pleine mer,
L’air commença de s’enrhumer,
Et d’un grand flux de pituite
Et de grands coups de foudre ensuite
Fit peur au troupeau phrygien
Chacun lors eût donné son bien
Pour être loin de la tempête ;
Chacun souhaita d’être bête
Plutôt que d’être homme flottant,
Car flottant et périclitant
N’est quasi qu’une chose même.
Palinurus, la face blême,
Prit en main son bonnet pointu,
Criant : "A qui diable en veux-tu,
Neptune, maître des baleines,
Souverain des humides plaines ?
Pourquoi les vents porte-soufflets
Apprêtent-ils leurs camouflets
Pour troubler le repos de l’onde ?
Ils ne sont bons, en ce bas monde,
Qu’à faire périr des vaisseaux,
A faire tomber des chapeaux,
Et remplir les yeux de poussière ;
Vraiment ils ne te craignent guère,
Et font avec peu de raison
Mal les honneurs de ta maison.
Pourquoi combattre à toute outrance
Les amis de ta Révérence,
Gens pacifiques, gens de bien,
Et qui ne leur demandent rien ?
Eh ! de grâce, seigneur Neptune,
Plus de calme et moins de rancune ! "
Tandis que ces mots il lâchait,
Aeneas sa barbe arrachait,
Se cassait les dents de gourmades,
Et meurtrissait de souffletades