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Et ne songeant plus qu’à mourir,
Elle dit qu’on allât quérir
Barcé, de Sichaeus nourrice,
Car la sienne, mise en justice
Pour avoir fait à Tyr un vol,
Avait fini par un licol.
Aussitôt qu’elle fut venue,
La vielle nourrice chenue,
Au front étroit, oeil enfoncé,
Nez plat et pourtant retroussé,
La reine lui dit : "Ma nourrice,
J’ai besoin d’un petit service :
Va faire venir vitement
Ma sœur, dis-lui que promptement
Elle se lave tout entière
Par trois fois en eau de rivière ;
Que les animaux destinés
Avec elle soient amenés.
Et toi, mets aussi sur ta tête
Ton bandeau des saints jours de fête.
J’ai dessein, pour me mettre bien
Avec Jupiter Stygien,
De lui faire un beau sacrifice,
Et punir du dernier supplice
Le marmouset de ce mâtin
Qui me fit passer pour putain."
La vieille s’en court à pas d’oie
Où la pauvre Didon l’envoie,
Laquelle, lors, de toutes parts
Lançant ses funestes regards,
Se retira, folle achevée,
Où la pyre était élevée,
Le feu de ses yeux tout éteint,
Les lèvres livides, le teint
Tout pâle et la vue égarée.
Sa mort, qu’elle tient assurée,
Lui donne un air rempli d’horreur,
De désespoir et de fureur.
Quand, prête à jouer de son reste,
Elle vit le bûcher funeste,