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Qu’une pauvre reine mourra
Pour un drôle qui s’enfuira.
Toutes les nuits qu’elle sommeille,
Quelque songe affreux la réveille :
Tantôt Aeneas lui paraît,
Qui la fuit ou la méconnaît,
Ou bien qui lui fait face à face
Une ridicule grimace.
Elle court après, il s’enfuit.
Puis elle se trouve, la nuit,
Toute seule en une campagne
Sans que personne l’accompagne ;
Elle siffle en paume les siens,
Elle huche ses Tyriens,
Mais les incivils sont pour elle
Le chien de feu Jean de Nivelle.
Lors elle tremble, elle pâlit,
Et même pisse-t-elle au lit,
Et même fait-elle autre chose,
Sale en vers aussi bien qu’en prose.
Comme des rats et des souris,
Elle avait grand’peur des esprits,
Alors qu’elle était toute seule ;
Dieu sait donc comme elle s’égueule !
Ainsi le pauvre Pentheus,
Pour avoir dit que Lyaeus
N’était qu’un écume-taverne,
Voit les Déesses de l’Averne,
Chacune en main un gros-serpent
Duquel elles le vont frappant.
De cette insolente bévue
Il eut une telle berlue
Que le plus souvent il pensait
Voir deux Thèbes, et non faisait,
Le pauvre fou n’en voyait qu’une,
Prenait le soleil pour la lune :
C’était la chercher en plein jour
Quand le soleil faisait son tour,
Il paraissait double à sa vue,
Tant son âme était dépourvue