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Enfin véritable cagous,
Et leur roi le plus gueux de tous,
Ils sont venus en ce rivage
Montrer leur affamé visage ;
Ils ont mangé comme des loups,
Et, quand ils ont été bien soûls
Et contents comme rats en paille,
Le capitaine et la canaille
S’en vont sans payer leur écot !
Que maudit soit le pied d’escaut,
Et les pieds d’escauts qui le suivent !
Par moi seule les coquins vivent,
Ils me quittent, les vagabonds !
Ah ! je vais sortir hors des gonds,
La fureur saisit ma cervelle.
Le traître me la baille belle :
Il m’allègue un dieu Jupiter
Qu’il a peur de mécontenter,
Et les oracles de Lycie,
Comme si le ciel se soucie
De celui-là, de celui-ci !
Il serait bien oiseux ainsi !
Et puis, admirez l’imposture :
Il me vient jurer que Mercure,
Sur ses ailes doubles porté,
A lui tantôt s’est présenté
Pour hâter ce plaisant voyage
Ah ! je n’en puis plus, j’en enrage !
Va, va, je ne te retiens plus
Par mes reproches superflus ;
Va-t-en où ma fureur t’envoie,
Que jamais je ne te revoie ;
Va chercher ton pays latin,
Fuis-moi, cruel, suis ton destin.
Si le ciel a quelque justice,
Un écueil sera ton supplice ;
Là, tu demanderas pardon ;
Là, tu réclameras Didon,
Didon, par toi tant offensée,
Au lieu d’être récompensée.