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Quel est le chemin que tu prends ?
Qu’en diront messieurs tes parents ?
Qu’en dois-je dire, moi, ton père ?
Qu’en doit dire Vénus, ta mère ?
Elle en peut dire, et dira bien,
Qu’un bâtard ne vaut jamais rien.
Et qu’en dira ton fils Ascagne
A qui le pays de Cocagne
Est promis par l’arrêt des Dieux ?
A moins que d’en être envieux,
Qui doit en faire la conquête,
Pour le voir couronne à la tête,
Que toi, qui n’as que du caquet,
Et qui t’es découvert coquet ? "
Sans cesse il me tient ce langage.
Mais en voici bien davantage ;
Après quoi je ne dis plus rien,
Et de cela vous pouvez bien
Me croire, ou, si vous ne le faites,
Je dirai partout que vous êtes
Femme têtue et sans raison.
Je vous dis donc, sans trahison
Et sans mentir d’une parole,
Que Mercure, le dieu qui vole
Moins des ailes que de la main,
En habit et visage humain
Mais tout éclatant de lumière,
A moi qui parle et ne mens guère,
Auprès d’ici s’est présenté.
Si je ne vous dis vérité,
Puissé-je n’être qu’une bête !
Ce dieu m’a bien lavé la tête ;
Mettez donc la vôtre en repos,
Sans regret donnez-moi campos,
Ou bien je le saurai bien prendre,
Quand on me devrait faire pendre.
Je verrai le pays latin ;
J’y suis forcé par le Destin,
Et vous par votre destinée,
A vous passer de maître Enée"