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Talonnières il ajusta,
Et puis proprement ajouta
A chacune une paire d’ailes,
Car ce Dieu ne pourrait sans elles,
Quoique Dieu, non plus qu’un caillou,
Voler sans se casser le cou ;
Mais, quand il a la jambe armée
De sa talonnière emplumée,
Dessus la terre et dessus l’eau
Il ne se trouve point d’oiseau
Qui voulût faire une carrière
Contre un tel porte-talonnière,
Qui pourrait du vol disputer
Avec l’oiseau de Jupiter.
Et puis il prit son caducée :
C’est un verge entrelacée
D’une couple de beaux serpents,
Entortillés, et non rampants.
Avec cette verge il fait rage,
Ce Dieu, patron du brigandage ;
Prononçant certains mots follets
Qu’on dit jouant des gobelets,
Et dont j’ai perdu la mémoire,
Il fait ce qu’on ne pourrait croire :
S’il ne fait qu’un homme toucher,
En Enfer il se va cacher ;
Et, s’il veut retirer cet homme,
Le retouchant, il en sort comme
Qui dans l’Enfer n’a point été,
Sans être de son feu gâté.
Quand il veut qu’un homme sommeille,
Lui fourrant sa verge en l’oreille
Il le fait bientôt sommeiller,
Et, quand il le veut réveiller,
A deux ou trois bons coups qu’il donne
De son bâton, il n’est personne
Qui ne se réveille en sursaut.
Il en fait le froid et le chaud ;
De là même, il fait la tempête ;
Et, quand elle fait trop la bête,