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Hélas ! que ne l’ai-je paré,
Le rude coup qu’on m’a tiré ! "
Ayant sur le père d’Ascagne
Tant fait de châteaux en Espagne,
Elle s’en alla mettre au lit
Pour se reposer un petit.
Mais le repos, qui tout enchante,
A sa passion violente
Ne peut le remède donner ;
Elle ne fait que se tourner
Pour trouver une bonne assiette.
Sa fièvre toujours l’inquiète ;
Elle se perd, et le voit bien,
La malheureuse n’y peut rien ;
Elle s’irrite, elle se fâche,
Consulte la raison, et tâche
D’apaiser ses sens forcenés ;
Ma foi, ce n’est pas pour son nez.
Sitôt qu’elle vit la lumière,
Elle appela sa chambrière,
Et lui dit : "Faites-moi venir
Ma sœur, je veux l’entretenir."
Cette sœur avait nom dame Anne,
Teint olivâtre et nez de cane,
Et bien moins belle que sa sœur,
Mais aimable pour sa douceur,
Capable d’une bonne affaire,
Qui savait parler et se taire,
Et si pleine de charité
Qu’en un cas de nécessité
Elle eût été dariolette,
D’ailleurs de conscience nette
Sitôt que la reine la vit,
Rouge en visage, elle lui dit :
"O ma sœur Anne, ô ma fidèle
(La faisant asseoir auprès d’elle,
Et lui jetant les bras au cou),
Dis-moi donc, ma sœur, pourquoi, d’où,
Comment, par quelle destinée,
Est venu chez moi cet Enée ?
Oh !