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Là nous passâmes dans les bois
Une nuit qui passa pour trois,
Tant elle nous fut ennuyeuse :
Une tempête furieuse
Faisait la forêt retentir,
Et tous nos vieillards émeutir :
Aux hurlements que nous ouïmes
Qu’Etna poussait de ses abîmes,
Nous nous crûmes tous pris sans vert.
Pas un volet n’était ouvert
Dans le ciel, et pas une étoile
N’était cette nuit-là sans voile ;
Pas la moindre lune dans l’air,
Au ciel tout obscur, et rien clair.
Cependant, malgré la nuit sombre,
De gros brandons qui perçaient l’ombre
Nous faisaient voir clair à minuit.
Je ne vous dirai rien du bruit,
Mais bien que jamais en ma vie
De dormir je n’eus moins envie.
L’aurore vint le lendemain ;
Et rendit le temps plus humain,
Couvrant la terre de ses larmes
(Pour parler langage de carmes) ;
Lors sortit d’un bois éloigné
Un portrait fort mal desseigné
Et d’une méchante manière,
Epouvantail de chenevière,
Et qui n’avait rien sur sa peau,
Qu’en quelques endroits un lambeau,
Où mainte épine était tissue ;
La peau contre les os cousue,
Pâle, sec et défiguré,
Comme un corps de terre tiré.
Par ses longs cheveux et sa barbe,
Et par le reste de son garbe,
Il fut de nous Grec reconnu,
Jadis avec les siens venu
A la destruction des nôtres.
Voyant qu’il nous prenait pour d’autres,