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Comme toi, l’air un peu fripon),
Je te donne son vieil jupon ;
Reçois-le de dame Andromaque,
Et le don de cette casaque,
Le dernier que je te ferai,
Car jamais je ne te verrai."
Ces mots firent pleurer mon père ;
J’en eus aussi douleur amère,
J’en pleurai, mon fils en pleura,
Andromaque se retira
En un coin pour pleurer à l’aise,
Et couvrit de pleurs une chaise.
En ayant tous bien répandu,
Et nos mouchoirs mouillés tordu,
Je baisai l’un et l’autre en face ;
Ils me firent laide grimace,
Chantant : "O regrets superflus !
Beaux yeux, je ne vous verrai plus."
Je leur dis : "Trêve de tendresse !
Séparons-nous, le temps me presse ;
Vous me faites fendre le cœur.
Jouissez de votre bonheur :
Votre fortune est établie,
Vous n’avez pas une Italie
Comme nous à chercher partout.
Le destin qui nous pousse à bout,
Et les dieux pour nous seuls fantasques,
Nous font courir comme des Basques,
Et nous bernent de mer en mer.
Nous ne faisons rien que ramer.
Nos mains, autrefois potelées,
Ont des calus et sont pelées
Comme celles des gens des champs,
Ou des forçats toujours gâchant.
Mais vous, qui n’avez rien à faire
Qu’à rire et faire bonne chère,
Et jour et nuit vous divertir,
Vous avez eu l’heur de bâtir
De vos mains une neuve Troie ;
Vous voyez avec grande joie