Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/193

Cette page n’a pas encore été corrigée

N’étaient qu’un pays contigu,
Et formaient un individu.
Mais, soit par le temps qui tout change,
Ou par l’eau qui la terre mange,
Ou bien par quelque tremblement,
Ou plutôt je ne sais comment,
Les deux terres se séparèrent,
Les flots entre deux se fourrèrent,
Et, depuis qu’ils s’y sont fourrés,
Ils ne s’en sont point retirés.
Ce fameux détroit de Sicile
Est gardé par Charybde et Scylle,
Et ces deux Suisses du détroit,
Sont l’un à gauche et l’autre à droit.
Charybde de son profond gouffre
Gobe les flots couleur de soufre,
Et puis trois fois les revomit
Vers le ciel, lequel en frémit.
Scylle ne bouge de son antre,
D’où l’eau sort, entre, ressort, rentre,
Tâchant d’attirer les nochers
Dans les pointes de ses rochers ;
Elle a le museau de pucelle,
Estomac à double mamelle,
Le reste du corps loup marin,
Et la queue ainsi qu’un dauphin.
Plutôt que de la voir en face,
Il faut que votre flotte fasse,
Côtoyant Pachin, un grand tour :
Car dedans l’horrible séjour
De cette donzelle marine
Et de sa cohorte canine,
Je me trompe, ou vous et vos gens
Passeriez fort mal votre temps ;
Et, si vous me croyez fidèle,
Et que maître Apollon révèle
A moi, son serviteur discret,
L’art de deviner un secret,
Je vous avertis, et pour cause,
De tâcher, sur toute autre chose,