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Sans se soucier de nos coups,
Elles se moquèrent de nous,
Et pourtant quittèrent la place.
Une d’entre elles, maigre en face,
Céléno, se mit sur un roc,
En la posture qu’est un coq
Sur le clocher d’une paroisse,
Et nous donna bien de l’angoisse
Par ces mots que j’ai retenus :
"Ah ! vraiment, beau fils de Vénus,
Vous êtes un plaisant visage !
On disait que vous étiez sage :
La peste vous casse le cou,
Vous n’êtes qu’un dangereux fou.
Votre Altesse, pour un grand prince,
A, me semble, le cœur bien mince,
D’armer contre nous jusqu’aux dents
Un gros escadron de ses gens.
Quel droit ont-ils sur notre terre,
Pour nous y faire ainsi la guerre ?
Les enfants de Laomédon,
Au lieu de demander pardon
D’avoir pris nos bœufs et nos vaches,
Pour faire encore les bravaches,
Armés comme des jaquemarts,
De rondelles, dagues et dards,
Et conduits par leur capitaine,
Qui seul en vaut une centaine,
Ils ont repris un peu de pain
Sur trois filles ayant grand faim :
Action digne de l’histoire !
Un autre homme, ami de la gloire,
Au lieu de leur ravir leur bien,
Leur aurait fait offre du sien.
Ecoutez, écoutez, beau sire,
Ce que j’ai charge de vous dire
De la part de saint Apollon.
Après un voyage bien long,
Le fils du vieux rêveur Anchise
Trouvera la terre promise ;