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Les pattes en chapon rôti,
Le nez long, le ventre aplati.
Toutes trois ont longs cols de grue,
Et longues queues de morue,
Les tétons flasques et pendants,
Et chacune deux rangs de dents.
Là sitôt qu’arrivés nous fûmes,
Chèvres et bœufs nous aperçûmes,
Qui paissaient sans être gardés ;
Ils ne furent point marchandés :
Sur eux d’abord nous nous ruâmes,
Les prîmes, et les égorgeâmes,
Non sans avoir fait compliment
A l’empereur du firmament,
Car ce butin, sans son auspice,
Ne nous eût pas été propice.
En moins de rien l’on apprêta
Le festin, qui peu nous coûta.
Comme nous commencions la fête,
Aussi vite que la tempête,
Les trois monstres dont j’ai parlé,
Ces Harpyes au dos ailé,
Se ruèrent sur nos viandes :
Par ces vilaines, ces gourmandes,
Ce qui fut seulement senti
Fut aussitôt empuanti,
Tant leur haleine est dangereuse,
Soit pour avoir quelque dent creuse,
Ou que leur ventre mal nourri
Pousse dehors un air pourri.
Ces insatiables donzelles,
Faisant la guerre à nos écuelles,
S’entre-ravissaient chair et pain,
Tant enragée était leur faim,
Et, ce que je n’aurais pu croire,
Chantaient quelques chansons à boire.
Lors je fis mettre le couvert
Sous un rocher creux, et couvert
De quantité d’arbres sans nombre,
Où l’on pouvait manger à l’ombre.
Assitô