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Le saint trépied trois fois rota,
Et le laurier sacré frotta
Ses branches l’une contre l’autre.
J’eus recours à la patenôtre,
Sur le visage prosterné
Mais je fus bien plus étonné
Lorsque j’entendis le tonnerre
Qui grondait aussi dessous terre,
Des loups qui tristement hurlaient,
Et des ours qui se querellaient.
Mais, lorsque le temple fit mine
De faire un saut comme une mine,
Je pensai bien être au tombeau.
J’eus beau crier : Tout beau ! tout beau !
Les murs du temple s’ébranlèrent,
Et jusqu’aux fondements tremblèrent.
Je souhaitai d’être dehors,
Cent coups de bâton sur le corps.
Mais cette mal plaisante aubade
Ne fut enfin qu’une algarade ;
Du trépied sacré s’exhala
Une voix qui cria : Paix là !
On se tut, vous le pouvez croire.
Voici, si j’ai bonne mémoire,
Ce que nous dit le sieur Phébus
En mots clairs, et non par rébus :
"Pauvres Troyens, qui sur la terre
Avez eu longue et rude guerre,
Et qui n’en aurez moins sur mer,
Bien vous prend de savoir ramer ;
Ramez donc de si bonne sorte
Que la mer à la fin vous porte
Vers la terre d’où sont sortis,
Tant légitimes que métis,
Vos aïeux, tant hommes, que femmes
(Dieu veuille bien avoir leurs âmes ! )
Je ne puis parler de leur mort,
Que je ne m’afflige bien fort.
C’est là que la race d’Enée,
Après longs travaux couronnée,