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D’attaquer un homme si bon),
Lui fit bien changer de jargon !
Il s’embarrassa dans les voiles,
Rompit les cordes et les toiles,
Et fit entrer dans le vaisseau
Je ne sais combien de muids d’eau.
La troupe d’espoir dénuée
Fit une piteuse huée,
Un flot jusqu’au ciel l’éleva,
Puis aussitôt le flot creva,
Laissant en mer une ouverture
Où chacun vit sa sépulture.
Trois vaisseaux, des vents maltraités,
Dans les rochers furent portés ;
Trois dans les écueils s’ensablèrent,
Dont les plus résolus tremblèrent.
Des soldats lyciens la nef,
Dont le brave Oronte était chef,
Des vents et des flots combattue,
Fut à la fin par eux vaincue ;
Un gouffre à la fin l’absorba,
Ou, pour mieux dire, la goba.
Jamais on ne vit tel orage,
Ni si triste remu-ménage.
Les pauvres malheureux Troyens,
Las et recrus comme des chiens,
Vidèrent lors toutes leurs tripes.
Lors, on vit force bonnes nippes
Flotter parmi des ais brisés
Et les corps de force épuisés ;
Quelques-uns vainement nagèrent,
Mais les bras bientôt leur manquèrent,
Car les malheureux n’avaient pas
Des calebasses sous les bras.
La nef du fort Ilionée
Des grands coups de vent ruinée,
Celle du fidèle Achatès,
D’Abas, et du vieil Aletès,
Tournaient comme des girouettes,
Faisaient en mer cent pirouettes,