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Certes j’en ai l’esprit marri,
Mais, jusqu’à mon sot de mari,
Il n’est, de la céleste bande,
Divinité petite ou grande,
Qui contre la pauvre cité
Ne fasse acte d’hostilité.
Fuyez donc, je vous en conjure,
Ne vous piquez point de bravure ;
Il fait ici mauvais pour vous,
Vous n’y gagnerez que des coups.
Sans moi, votre pauvre famille
Sentirait la main du soudrille,
Mais jusqu’ici, par mon moyen,
Les choses y vont assez bien.
Penser remonter sur sa bête,
C’est vouloir se rompre la tête.
Allez, je vous protégerai ;
Près de vous toujours je serai.
Lorsque vous serez en ma garde,
Au diable si l’on vous regarde,
Bien loin de vous oser toucher ;
Mais vite, il se faut dépêcher."
Elle n’en dit pas davantage,
Et puis se couvrit d’un nuage.
Lors je vis que de la cité
Elle m’avait dit vérité :
Je vis partout objets funestes,
Je vis aussi les dieux célestes
D’une extraordinaire grandeur,
Dont je n’eus pas petite peur.
Parmi ces personnes divines,
J’en vis de très mauvaises mines,
Pour lesquelles, sans passion,
J’aurais bientôt aversion.
O Dieu ! l’épouvantable image,
Qu’une ville mise au pillage !
On ne voit que piller, brûler,
Sur les cendres le sang couler,
Soldats qui tuent, gens qui meurent,
Peu qui rient, beaucoup qui pleurent,