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La plus superbe des cités,
Après tant de prospérités
Qui le rendaient considérable,
Gît mort étendu sur le sable.
Ce grand monarque des Troyens,
Après la ruine des siens,
N’a pas seulement sépulture,
Et fait des oiseaux la pâture ;
Bref, le plus grand roi qui fut onc
N’est plus rien qu’un grand vilain tronc.
Cet extrême malheur des autres
Me fit souvenir que les nôtres
Par moi laissés en la maison,
En une pareille saison,
Pourraient bien avoir fin pareille ;
Lors je dis, me grattant l’oreille :
"Autant il nous en pend à l’oeil ;
Il me faudra porter le deuil.
De mon père et de ma Créuse.
L’un et l’autre à bon droit m’accuse,
Et d’être un fils sans amitié,
Et de n’aimer pas ma moitié,
Et mon fils, de qui tant j’espère,
Donne au diable monsieur son père.
Allons donc mourir auprès d’eux.
Le trépas, ailleurs très hideux,
Me sera là très agréable,
Ou pour le moins très honorable."
Corps d’homme n’était avec moi,
Les uns m’avaient quitté d’effroi,
Plusieurs avaient perdu la vie,
Auxquels je portai grande envie,
Et si lors je ne me défis,
Mon père, ma femme et mon fils
En furent, et non autre chose,
La légitime et seule cause.
Mais un objet qui me fâcha
D’aller plus outre m’empêcha :
Je vis dans le temple de Veste
Des Troyens la fatale peste,