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S’en alla trouver Eolus,
Roi non pas des plus absolus,
Car les vents, dont il est le maître,
Lui font souvent bien du bissêtre,
Etant inconstants et légers ;
Mais pour éviter les dangers,
Il les tient dans une caverne,
Où l’on ne va point sans lanterne :
Autrement, ces séditieux.
Bouleverseraient terre et cieux ;
C’est pourquoi, craignant leur folie,
Il les emprisonne, il les lie ;
Mais le vent coulis seulement
Sort quand il veut impunément
Les autres vents souvent s’échappent ;
Lors, malheur à ceux qu’ils attrapent,
Malheur aux arbres, aux clochers,
Malheur aux vaisseaux, aux nochers,
Malheur à toutes cheminées,
Qui deviennent lors enfumées.
Etant ainsi capricieux,
Jupiter, le grand Roi des Cieux,
Dessous de grandes roches dures,
En de grandes caves obscures,
Les tient enfermés sous la clef,
Imposant dessus eux un chef
Qui leur lâche à propos la bonde
Quand il faut balayer le monde.
C’est donc là que la Dame vint ;
Voici le discours qu’elle tint,
Quasi parole pour parole,
Au Roi des quatre vents, Eole :
"O toi qui fais ce qui te plaît
Du Sud, du Nord, de l’Ouest, de l’Est,
Et qui, de mon époux et frère,
Roi des hommes, des Dieux le père,
As eu le don de rendre l’air
Comme tu veux obscur ou clair,
Une caravane troyenne
Vogue dessus la mer Tyrenne ;