Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et moins encore certains coups
Qui font au corps de vilains trous.
Pour moi, je n’avais autre envie
Que de perdre bientôt la vie ;
Mais certes j’eusse désiré
Que c’eût été d’un coup fourré,
Et qu’en recevant la mort blême,
Je la pusse donner de même
A quelques-uns de ces méchants
Qui m’ont tant fait courir les champs.
Je marchais donc de grand courage,
La larme aux yeux, au cœur la rage,
Quand je vis venir plein d’effroi
Panthus qui s’en venait chez moi.
Ce Panthus de la citadelle
Etait le gardien fidèle,
De Phébus sacrificateur,
Et passable gladiateur
Le pauvre homme marchait à peine,
Ayant quasi perdu l’haleine
A force de crier : Au feu !
Il portait son petit neveu
Et tous nos dieux en une hotte.
Sitôt qu’il me voit, il sanglote,
Et puis me dit tout éperdu :
"Maître Aeneas, tout est perdu.
— Qu’avez-vous, mon pauvre Otriade ?
Lui dis-je. — Les Grecs font grillade
De notre vaillante cité,
Me dit-il ; nous avons été
Les Troyens, maintenant nous sommes
Francs faquins. — Où sont tous vos hommes,
Lui dis-je, et qu’en avez-vous fait ?
— Je n’en suis pas bien satisfait :
Ils ont perdu la citadelle.
J’en suis sorti par une échelle,
Tous nos dieux chargés sur mon cou.
— Lors je lui dis à demi fou :
Notre citadelle est donc prise ?
— Hélas ! oui, brave fils d’Anchise,