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Et dont je ne bus quasi pas,
Parce que le vin était bas.
Dormant donc ainsi dans ma chambre
(Hélas ! j’en tremble en chaque membre),
Il me sembla de voir Hector,
Et je pense le voir encor.
O Dieu, la piteuse figure !
Qu’il était de mauvais augure !
O Dieu, qu’il me parut hideux !
Il était fait comme deux œufs ;
Sa cotte d’armes délabrée
De poudre et sang était marbrée :
Vous l’eussiez pris pour un souillon
Qui n’est couvert que d’un haillon.
Sa très désagréable face
Malgré lui faisait la grimace,
Pleine de bosses et de trous.
Son corps était percé de coups ;
Enfin il était tout de même
Qu’il était, quand sanglant et blême,
Achille, après l’avoir vaincu,
Le traînait à l’écorche-cul.
Ses pauvres pieds traînaient encore
La longe de cuir que ce Maure,
Ce Turc, ce félon des félons,
Avait passé dans ses talons.
Hélas ! qu’il était peu semblable,
Cet Hector tout épouvantable,
A cet Hector tout éclatant,
Qui les Grégeois allait battant,
Mettait le feu dans leurs galères,
Et, béni des pères et mères,
Revenait vers nous triomphant,
Rendant à chacun son enfant ;
Ou bien, tel qu’après la défaite
De ce beau mignon de couchette
Dont Achille vengea la mort,
On le vit, cet homme si fort,
Paré de ses funestes armes
Qui firent tant verser de larmes ;