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Et recevoir dans la cité,
Avec grande civilité,
Cette tant vénérable bête,
Et que l’on en chôme la fête.
Le peuple aveugle, qui ne sait
Ni ce qu’il veut, ni ce qu’il fait,
Se met à rompre la muraille,
Et ne fait certes rien qui vaille.
Priam, qui ne voit pas plus loin
Que son grand nez de marsouin,
Quoiqu’il eût de belles lunettes
Fait apporter quatre roulettes
Pour rouler ce grand animal :
Il ne pouvait faire plus mal.
La muraille étant abattue,
Petits et grands, on s’évertue
A tirer ce fatal présent,
Qu’on trouve diablement pesant.
Hélas ! si contre quelque butte
Il eût fait une culebute !
Par cet heureux culebutis
Nous eussions été garantis.
De filles une jeune bande
Dansait devant la sarabande ;
Force garçons, comme bouquins,
Au son des cornets à bouquins,
Dansaient à l’entour la pavane,
Les matassins et la bocane ;
Priam même aussi dansotait
Quand en beau chemin il était.
Ainsi la fatale machine
Vers notre ville s’achemine,
Et s’approche marchant pian pian,
D’où l’on avait mis bas un pan
De nos grands murs bâtis de brique
Qui faisaient aux béliers la nique
O notre ville ! ô nos maisons !
O bons Troyens, plus sots qu’oisons !
Vous êtes pris à la pipée,
Et les Grecs, sans tirer l’épée,