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D. Sanche.

Je suis bien malheureux d’avoir fait pour vous plaire,
Ce qu’un autre que vous ne m’eût jamais fait faire :
Et d’avoir réussi dans mon dessein si mal,
Que vous me soupçonnez d’être votre Rival.

D. Blaize.

Si vous me dites vrai, la chose est pardonnable ;
Mais vous l’avez rendue un peu trop vraisemblable ;
Car vous la cajoliez de si bonne façon,
Que la dame a d’abord mordu à l’hameçon :
Puisqu’elle est si facile en pareille matiére,
Et qu’elle est en un mot de coquette maniére,
Nous n’avons qu’à songer à des partis meilleurs,
Et dom Cosme n’aura qu’à se pourvoir ailleurs.
Je lui donne, s’il veut, signé devant notaire,
Que je lui remets Blanche en faveur de mon frére :
Car quant à l’épouser je n’ai pas le loisir.
Il s’en fâchera, mais tel est notre plaisir.
Tout le regret que j’ai n’est que de mes livrées ;
Un faquin de tailleur me les a chamarrées,
Comme si le galon ne m’avoit rien coûté :
Tu me l’as conseillé, confident éventé,
Et de charger mon train de laquais et de pages ;
Mais je m’en vengerai sur l’argent de tes gages.
Allons chercher dom Cosme, et cependant, cadet,
Puisque je le permets, poussez votre bidet.

à part.

J’ai d’étranges soupçons de ce cher petit frére.

Il sort.
D. Sanche.

Blanche approuve ma flamme, et veut bien que j’espére.
Quel plaisir est pareil à celui d’un amant
Qui reçoit de son Ange un tel consentement ?
Ô mon cœur ! modérez vos transports d’allégresse,
Réservez-les, mon cœur, aux yeux de ma déesse.
Mais je la vois venir avec tous ses appas.

Blanche paroît.

Vous voulez donc encor différer mon trépas ?
Et satisfaite enfin d’une injuste souffrance,
Vous me permettez donc d’avoir de l’espérance ?