Je suis bien malheureux d’avoir fait pour vous plaire,
Ce qu’un autre que vous ne m’eût jamais fait faire :
Et d’avoir réussi dans mon dessein si mal,
Que vous me soupçonnez d’être votre Rival.
Si vous me dites vrai, la chose est pardonnable ;
Mais vous l’avez rendue un peu trop vraisemblable ;
Car vous la cajoliez de si bonne façon,
Que la dame a d’abord mordu à l’hameçon :
Puisqu’elle est si facile en pareille matiére,
Et qu’elle est en un mot de coquette maniére,
Nous n’avons qu’à songer à des partis meilleurs,
Et dom Cosme n’aura qu’à se pourvoir ailleurs.
Je lui donne, s’il veut, signé devant notaire,
Que je lui remets Blanche en faveur de mon frére :
Car quant à l’épouser je n’ai pas le loisir.
Il s’en fâchera, mais tel est notre plaisir.
Tout le regret que j’ai n’est que de mes livrées ;
Un faquin de tailleur me les a chamarrées,
Comme si le galon ne m’avoit rien coûté :
Tu me l’as conseillé, confident éventé,
Et de charger mon train de laquais et de pages ;
Mais je m’en vengerai sur l’argent de tes gages.
Allons chercher dom Cosme, et cependant, cadet,
Puisque je le permets, poussez votre bidet.
J’ai d’étranges soupçons de ce cher petit frére.
Blanche approuve ma flamme, et veut bien que j’espére.
Quel plaisir est pareil à celui d’un amant
Qui reçoit de son Ange un tel consentement ?
Ô mon cœur ! modérez vos transports d’allégresse,
Réservez-les, mon cœur, aux yeux de ma déesse.
Mais je la vois venir avec tous ses appas.
Vous voulez donc encor différer mon trépas ?
Et satisfaite enfin d’une injuste souffrance,
Vous me permettez donc d’avoir de l’espérance ?