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D. Blaize, sortant de sa cachette.

Ha, ha, petit cadet, vous l’avez débauchée
Cette jeune beauté de vertu non tachée,
Ce riche don du ciel, cette chére moitié,
Et digne de mon choix et de mon amitié ;
Contre qui vos sermens, vos priéres, vos larmes,
N’ont été, dites-vous, que d’inutiles armes ;
Qui vous a fait sentir les traits de son courroux ;
Que vous n’espérez pas de r’appaiser sans nous.
Vous courez donc ainsi sur le marché d’un frére ?

D. Sanche.

Et ne m’avez-vous pas commandé de le faire ?
De lui porter dans l’ame un sentiment d’amour ?

D. Blaize.

Et c’est dont je me plains, godelureau de cour !
Je vous avois bien dit de lui parler de flame,
Afin de découvrir ce qu’elle avait dans l’ame ;
Mais de la coquetter, comme vous l’avez fait,
Ha ! c’est une action d’infidéle cadet.
Ma foi, de la façon qu’il me l’a muguettée,
De la place où j’étois, j’avois l’ame tentée.
Le fripon lui tiroit ses coups à bout portant.
La plus laide guenon qui m’en diroit autant,
Triompheroit bientôt de notre continence.
Ordugno !

Ordugno.

Ordugno !Monseigneur ?

D. Blaize.

Ordugno ! Monseigneur ?Va-t-en en diligence
Arrêter des chevaux et les tiens prêts sans bruit,
Je ne veux pas coucher à Madrid cette nuit :
Tâche de me trouver aussi ce vieil dom Cosme,
L’homme le plus fâcheux qui soit dans le royaume,
Je lui rends sa parole, et je reprends aussi
La mienne ; et cela fait, éloignons-nous d’ici.