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D. Cosme.

Ou nous nous brouillerons.Je ne puis différer.

D. Blaize.

Messieurs ! sur mon honneur, il le faut séparer.
Ne voyez-vous pas bien qu’il n’est déjà pas sage ?
Et que sera-ce donc, si jamais il enrage ?

Blanche, tout bas à son pére.

On peut bien différer les noces pour un tems,
J’ai reçu là-dessus des avis importans.

D. Cosme.

Je ne puis différer.

D. Blaize.

Je ne puis différer.Quel détestable flegme !
Ha ! dites-moi plutôt quelque vieil apophtegme,
De ceux dont vous m’avez tantôt assassiné.

D. Cosme.

Je ne puis différer.

D. Blaize.

Je ne puis différer.Maudit soit l’obstiné !

D. Sanche.

Puisqu’il vous presse tant, c’est un fort mauvais signe.

D. Blaize.

C’en est un très-certain qu’il est un fourbe insigne,
Mais allons faire un tour, pour rafraîchir un peu
Mes esprits échauffés, et mon visage en feu.

Blanche.

Ce n’est pas sans raison que je vous dis, mon pére,
Que vous devez aussi souhaiter qu’on différe.
Je sais que le marquis aime depuis deux ans,
Une dame, et de plus qu’il en a deux enfans.

D. Cosme.

Tous les gens comme lui n’en font-ils pas de même ?
Étant en Portugal, par un bonheur extrême,
Je pus gagner le cœur d’une jeune beauté,
Aimable pour l’esprit, riche, et de qualité.
Je déguisois mon nom, à cause qu’en Castille
J’avois l’inimitié de toute une famille,
Pour avoir fait périr à mes pieds un rival,
Dont la mort me retint deux ans au Portugal.