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ourquoy n'ay-je pas sceu que l'Empire des Mers,

   Dépendoit d'un Esclave arresté dans mes fers;
   O que de ce penser ma vanité flattée,
   Eust calmé pour un temps mon ame inquietée,
   Que les Dieux qu'à ta perte imploroit mon courroux,
   M'eussent esté cruels, s'ils m'eussent esté doux!
   Mais à quoy te servit, une histoire, une feinte,
   Qui pouvoit me donner une mortelle atteinte;
   Quel plaisir as-tu pris à te faire haïr;
   Et qui trompe en amour, ne peut-il pas trahir;
   Pourquoy de nos amours rompois-tu le silence?

OROSMANE.

   Je voulus d'un Rival éprouver la vaillance,
   Et chercher dans sa mort le funeste plaisir,
   D'accuser vostre coeur, d'avoir sceu mal choisir,
   La crainte d'un Rival, qu'un Pere favorable....

ELISE.

   Prince n'acheve pas un discours si coupable.
   Alcandre a pû douter d'Elise, & de sa foy;

OROSMANE.

   Hé! qui n'est pas jaloux quand il ayme?

ELISE.

                                           Et c'est moy,
   Qui n'ay jamais douté de ta perseverance,
   Quand j'avois plus à craindre une ingrate inconstance;
   Car les beautez d'Asie ont des charmes puissans,
   Et je sçay qu'on oublie aisément les absens.
   Oüy, Prince ingrat, pendant que tu fus en Asie,
   Je n'eus jamais pour toy la moindre jalousie;
   Je ne crus point de coeur plus ferme que le tien:
   Mais tu ne rendois pas cette justice au mien,
   Tu me croyois ingrate, infidelle, & coupable,
   Quand pour toy j'irritois un pouvoir redoutable.
   Croy-donc que c'est un crime, & le plus grand de tous,
   Que d'estre sans sujet un ingrat, un jaloux,
   Et qu'une telle excuse en la bouche d'Alcandre,
   Multiplie une erreur au lieu de la deffendre.

OROSMANE.

   Percez-donc, belle Elise, un coeur méconnaissant.

ELISE.

   Un coupable qui plaist, est bien-tost i