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alheur,

   Et qu'un jeune guerrier tué dans la bataille,
   Fut pris pour mon Alcandre.

OROSMANE.

                               Il estoit de ma taille,
   Et l'on ne connut point son visage blessé,
   Sous un de mes harnois qu'il avoit endossé.
   Ce faux bruit de ma mort ardemment desirée,
   Outre les miens, trompa ceux qui l'avoient jurée,
   Et me fit oublier aux puissans ennemis,
   A qui tout contre moy sembloit estre permis.
   Accablé de malheurs, & par mer, & par terre,
   Il me restoit encore un seul vaisseau de guerre,
   Et j'avois conservé des amis genereux,
   Qui loin de mépriser un Prince malheureux,
   D'une fidelité qui ne s'est point lassée,
   Respecterent tousiours ma dignité passée.
   Nous montasmes en mer de la terre chassez;
   La vague estoit émeuë, & les flots couroucez;
   Mais c'estoit le party qui nous restoit à prendre,
   Suivis que nous estions des troupes de Pisandre.
   Le Barbare Orosmane un Corsaire inhumain,
   Attaqua mon navire, & mourut de ma main,
   Aigry des longs malheurs de mon sort déplorable,
   Aux Corsaires vaincus je fus inexorable,
   Tout tombant sous le fer, ou dans l'onde jetté,
   Esprouva la rigueur du vainqueur irrité.
   De massacre & d'horreur ma cholere assouvie,
   Aux tremblans Matelots fit grace de la vie.
   J'achevois de les vaincre, & de les desarmer,
   Quand je vis mon vaisseau tout à coup abysmer.
   Ce peril évité me fut de bon présage;
   Réveilla mon espoir; anima mon courage,
   Je prend le nom fameux du Corsaire détruit.
   Ce nom en peu de temps est un nom de grand bruit,
   Et me fait esperer qu'aupres de vostre Pere,
   Un Corsaire fera ce qu'un Roy ne pû faire.
   Lors je vous détrompay du faux bruit de ma mort;
   Mais sans vous reveler le secret de mon sort.

ELISE.

   Pourquoy me cachois tu que ta rare vaillance,
   Faisoit aux plus grands Roys redouter ta puissance;
   P