Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/594

Cette page n’a pas encore été corrigée

que moy?

   Jugez, jugez, ô vous! dont je crains la cholere,
   Par ce que vous feriez, de ce que je puis faire.
   Je voudrois vous aymer, & ne le devant pas,
   J'en souffre des tourmens pires que le trépas.
   Pouvoir tant pour un autre, & si peu pour moy-mesme,
   C'est bien encore un coup de mon malheur extrême,
   Et c'est bien sans raison que j'ose demander,
   Ce que je ne veux pas ny ne dois accorder.



Scène VIII


NICANOR, AMINTAS.


NICANOR.

   La fortune est pour nous, cessons de nous en plaindre,
   Ce fier Corsaire est pris; nous n'avons plus à craindre;
   La tempeste a brisé son vaisseau contre un banc;
   Tu te voy son vainqueur, sans répandre de sang;
   La Princesse est à toy; la Cypre est secouruë,
   Réjoüy-toy, mon fils.

AMINTAS.

                         O disgrace impreveuë!

NICANOR.

   Tu soûpire.

AMINTAS.

               La joye a ses excez, Seigneur,
   Surprend, & nous trouble autant que la douleur.

NICANOR.

   Sa flotte ne sçait point quelle perte elle a faite:
   Si nous sçavons bien vaincre, elle est déja défaite,

AMINTAS.

   Mais sur nostre parole, Orosmane est venu,
   A-t'on pû l'arrester?

NICANOR.

                         Pourquoy ne l'a-t'on pû?
   Sa flotte nous surprend; assiege; attaque; vole.
   Ne nous monstre-t'il pas à manquer de parole?