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Pourquoy s'esloigna-t'il? & s'il vous fut si cher,

   L'avez vous dû souffrir?

ELISE.

                            J'eusse peu l'empescher;
   Mais loin de m'opposer au voyage d'Alcandre,
   Mon seul commandement le luy fit entreprendre,
   Vous sçaurez les raisons de son esloignement,
   Et de nos feux cachez le triste évenement.

ALCIONNE.

   Ne me differez pas cette faveur extrême,

ELISE.

   Je ne refuse rien aux personnes que j'ayme.
   Mon Alcandre estoit donc un Prince malheureux,
   Mais qui n'eut pas d'abord un destin rigoureux,
   D'une illustre Princesse il receut la naissance,
   Et monta sur le Throsne au sortir de l'enfance,
   Sa mere eut de l'amour pour un Prince estranger,
   Aymable; mais ingrat; infidelle, & leger,
   Et dont elle se vit depuis abandonnée,
   Bien qu'unie avec luy par un saint himenée;
   Mais qui peut s'asseurer d'un esprit inconstant?
   Ce Prince abandonna celle qui l'aymoit tant,
   Et luy laissant un fils, cher; mais funeste gage,
   Alla peut-estre ailleurs offrir son coeur volage.
   Elle espera long-temps de le voir de retour,
   Que n'espere-t'on point, quand on brusle d'amour?
   Mais de son vain espoir enfin desabusée,
   Et d'un perfide espoux se voyant mesprisée,
   Elle laissa tout faire à sa juste douleur,
   Et preste de finir sa vie, & son malheur,
   Assembla ses sujets, & leur fit reconnaistre,
   Le Fils de son ingrat pour leur souverain Maistre,
   Elle meurt, & mourant cache mesme à son fils,
   De son Pere inconstant le nom, & le païs,
   Elle ne voulut pas qu'apres sa foy faussée,
   Un infidelle Espoux d'une Reine laissée,
   Sçeust qu'il en eust un fils; que ce fils fust un Roy,
   Et qu'il fist gloire ainsi d'avoir manqué de foy.
   Son fils donc luy succede, & son adolescence,
   Des Rois les plus prudens égalle la prudence,
   Il est brave, il est juste, & de son peuple aymé;
   Il est de ses voisins craint autant qu'