Qui seul contre vous deux se croit hors de danger, [895]
Seul contre un de vous deux peut bien se partager.
DOM-CARLOS.
Garde après ta victoire une telle insolence,
Et battu dans Madrid sois modeste à Valence.
Cardille parlant bas à son Maître.
N'allez pas faire ici du vaillant indiscret, [900]
Et filez doux, Seigneur, quoique avecque regret,
Pour moi sans me piquer de faire l'âme forte,
Hardi comme un lion, je viens d'ouvrir la porte.
Sauvons-nous.
DOM-SANCHE, se retirant.
À demain, Castillan fanfaron.
DOM-LOUIS.
Insolent ! Souviens-toi qu'on te traite en poltron. [905]
DOM-SANCHE.
Je veux prendre mon temps, pour vous battre à mon aise.
CARDILLE, fermant la porte après soi.
Et moi je vous enferme, adieu race mauvaise.
DOM-LOUIS.
Le lâche éprouvera la valeur de mon bras.
FLORE.
Ha battez-vous mon frère, et ne l'outragez pas.
D'un homme sans honneur la victoire est honteuse, [910]
Et d'un homme d'honneur la haine est généreuse.
Avoir à vaincre un homme, et le perdre d'honneur,
C'est manque de prudence, ou bassesse de coeur.
DOM-LOUIS, à part.
On voit dans ses discours sa criminelle flamme.
DOM-CARLOS parlant à Léonore.
Tu ne me peux cacher le plaisir de ton âme, [915]
De vois Dom Sanche encore échappé de mes mains.
LÉONORE.
Il est vrai cher Carlos, je t'aime, et je le crains.
{{personnage|DOM-