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Vous n'avez pas toujours vécu si bons amis, [480]

Que vous me deviez voir, sans qu'il vous l'ait permis.

DOM-SANCHE.

Votre frère aurait droit d'y trouver à redire ;

Mais vous dont la beauté sans cesse à soi m'attire,

Vous me permettez bien pour vous venir revoir,

De ne considérer ni respect ni devoir. [485]

Et vous pouvez juger par cette impatience,

Des maux que j'ai soufferts dans une longue absence.

FLORE.

Je n'attendais pas moins que des galants discours,

De qui vient du pays des galantes amours.

DOM-SANCHE.

Ha ! Madame ! La Cour le séjour des délices, [490]

Ne m'a paru sans vous qu'un enfer de supplices ;

Ce n'est pas que la Cour n'ait ce charmants appas ;

Mais je suis toujours triste, où je ne vous vois pas.

Combien de fois mes yeux ont-ils versé des larmes,

Dans un temps, où Madrid avait le plus de charmes ? [495]

Combien de fois les bords du clair Mansanarets

Ont-ils été témoins de mes tristes regrets ?

FLORE.

Vous m'attendrissez fort en me faisant entendre

Tout ce qu'en un roman on peut lire de tendre.

Quoi, bons Dieux ! À la cour, où tout charme, où tout rit, [500]

La tristesse a toujours régné sur votre esprit ?

Voit-on d'un autre amant une plus belle vie ?

Votre fidélité me donne de l'envie :

Si je pousse la mienne aussi loin, je pourrai

La voir comme la vôtre au suprême degré. [505]

DOM-SANCHE.

Ce langage moqueur est un peu fort, Madame.

FLORE.

C'est l'effet de la joie où s'emporte mon âme,

De vous revoir vivant, et vous avoir cru mort.

DOM-SANCHE.

Être absent, ou mourir, ne diffèrent pas fort.

FLORE.