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Tes vers, et tes chansons, et tout ce qu'un amant [85]

Emploie à faire croire un amoureux tourment,

Me donnèrent du tien des marques si pressantes,

Ton mérite y joignit des forces si puissantes,

Qu'après mille serments, les gages de ta foi,

Je te donnai la mienne, et te reçus chez moi. [90]

Je veux bien l'avouer, j'eus répugnance à faire,

Une pareille avance à mon devoir contraire ;

Mais craignant les regards des voisins curieux,

Des actions d'autrui juges malicieux,

Qui te voyaient souvent passer sous ma fenêtre, [95]

Et m'observaient alors qu'ils m'y voyaient paraître

Dans un appartement où personne n'entrait,

D'où l'on venait au mien par un passage étroit,

Je reçus en secret ta première visite,

Et je ne fus jamais à tel point interdite. [100]

Et l'aise de te voir, et la peur que j'avais

Suspendirent longtemps l'usage de ma voix :

Nos âmes par nos yeux se parlaient l'une à l'autre ;

Mais quel bonheur jamais dura moins que le nôtre ?

J'ouis ouvrir ma chambre, et j'y courus soudain. [105]

Tu crus que je fuyais peut-être par dédain,

Ou que le repentir qui suit une imprudence,

M'obligeait, quoique tard, à fuir ta présence.

Tu voulus m'arrêter ; tu courus après moi,

Et lors un Cavalier, qui parut hors de soi, [110]

Et qui de son manteau se couvrait le visage,

S'offrant à tes regards, te donna de l'ombrage ;

Mais le temps t'apprendra.

FABRICE.

Monsieur, votre Cousin

Vous vient voir.

LÉONORE.

Il est donc encore en mon destin,

Qu'il vienne quand je veux prouver mon innocence. [115]

FABRICE.

Le voici.

DOM-CARLOS.

Cachez-vous Madame en diligence ;

Écoutez de la porte, aussi bien vous serez

Le sujet des discours que vous écouterez.


Scène II

Dom Carlos, Dom Louis