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Je ne dors point Carlos, le sommeil est sans charmes, [15]

À des yeux qui sans cesse ont à verser des larmes,

Et ta fière rigueur me cause trop d'ennuis,

Pour avoir du repos ni les jours ni les nuits.

DOM-CARLOS.

Cherchez de vos ennuis en vous-même la cause ;

Mais je venais ici vous parler d'autre chose, [20]

Sachez donc...

LÉONORE.

Non, Carlos, je ne veux rien savoir.

Pour me faire obéir tu n'as rien qu'à vouloir.

DOM-CARLOS.

Si cette complaisance, autant qu'elle est forcée,

Partait d'une amour vraie, et non intéressée,

Que ne ferais-je point pour un si grand bonheur ? [25]

LÉONORE.

Que ne ferais-je point pour te tirer d'erreur ?

Mais quand d'un faux soupçon l'âme est préoccupée,

Si loin de travailler à se voir détrompée,

Elle fuit son remède, en vain la vérité

Tâche à lui redonner sa première clarté. [30]

DOM-CARLOS.

Sur la foi de ses yeux on ne se trompe guère,

Et ce qu'ont vu les miens n'est pas imaginaire ;

Mais tous ces vains discours ne sont pas de saison,

Quand j'aurais plus de tort que je n'ai de raison.

Votre père nous suit : peut-être qu'à cette heure, [35]

Il sait où vous et moi faisons notre demeure.

Vous savez son dessein, et que je ne dois pas

Contre un tel ennemi me servir de mon bras,

Et soit que l'on se cache, ou qu'on prenne la fuite,

Que votre sûreté veut beaucoup de conduite. [40]

Quoique après tout l'espoir que vous m'aviez permis,

Après l'amour constant que vous m'aviez promis,

Vous ayez fait servir au dessein de ma perte

Une feinte tendresse à la fin découverte ;

Quoiqu'un si lâche tour ait banni pour jamais, [45]

De mon esprit crédule et la joie et la paix,